[ LIBRE ] Qui m'aime me suive XD

{ J'engage même les femmes alors vous voyez à quel point j'ai besoin de monde . Pour être exact je fais la course avec les capitaines Karim et Khenti ^^ et puis la Compagnie a toujours besoin de beaux audacieux jeunes gens prêts à défendre ses intérêts, c'est bien connu ... Uniforme libre pour les officiers en plus ^_- vous ne trouverez pas ça partout ! }

C'était une des très rares occasions où il fallait absolument mettre pied à terre : maudits soient les ordres et la sacro-sainte nécessité de venir les prendre au quartier général, sans parler de les suivre ! aurait pensé le capitaine s'il ne s'était agi de Yorick, gentil garçon devant l'éternel et incapable de se rebeller sans qu'une autorité supérieure le tienne par la main . Donc il bravait bravement le mal de terre qui lui donnait le tournis et se rendait où il devait se rendre, et là actuellement il en revenait, marchant vers le port avec un certain empressement tempéré par sa dignité toute britannique, et accompagné à deux pas en arrière suivant les convenances officielles par un esclave silencieux qui portait sous le bras un large rouleau d'affichettes .

On lui avait pertinemment signifié que la dernière bataille avait été trop meurtrière et qu'il aurait dû proposer à ses prisonniers de s'engager sous ses ordres, et il avait prit une petite moue contrite et innocente, sachant bien qu'on ne le blâmait pas pour son petit accès d'inhumanité, mais pour les économies que cela aurait signifié pour la Compagnie .

Ben oui bien évidemment mais parfois il faut savoir mettre de côté ces soucis bassement matériels et se défouler un peu sous peine de se pendre soi-même de désespoir, ce qui serait quand même le comble pour un capitaine qui certes ne l'était pas depuis longtemps, mais n'avait jamais fait pendre personne à son bord . Mais ça il n'allait certainement pas aller le leur expliquer ! Ces petites entrevues guindées et glaciales sur un sol désespérément stable duraient déjà bien trop longtemps à son goût pour que l'on s'y consacre à autre chose qu'aux merveilles de la stratégie ...

Eh bien qu'à cela ne tienne, on allait le reconstituer, cet équipage ! Les placards prévus à cet effet s'alignaient à intervalles parfaitement réguliers au long des rues menant de la capitainerie au port, patiemment collés par l'esclave qui était à bien des points de vue un ange de patience, songea O'Brien avec un sourire en surveillant distraitement son travail . Normalement avec ça il devait ramasser du monde, ne serait-ce que parmi les désoeuvrés que comptaient ces quartiers de la ville ; et pour certains postes, de simples artisans ou même vagabonds feraient l'affaire avec un peu de discipline comme toujours, mais ça il se chargeait personnellement de leur montrer comme c'était bien .

Ah bon, il avait donc besoin de tout ça ? Gabier, canonnier, vigie, maître de manoeuvre, pilote, maître-voilier, chirurgien, charpentier, maître-coq, mousse ... ç'avait été l'hécatombe ! Il réalisait seulement . Une seule disparition avait occulté toutes les autres ... Pour les officiers, il comptait les rencontrer avant d'engager qui que ce soit, naturellement . Ils seraient priés de venir le trouver à bord, d'admirer comme il se doit le Crimson Orchis et de lui être recommandés par quelqu'un de raisonnablement haut placé .

''Bon, si ça continue comme ça on n'aura jamais fini avant l'heure du dîner,'' soupira-t-il avec impatience en venant rejoindre son serviteur qui le regarda avec un étonnement mesuré, parfaitement au fait de ses sautes d'humeur . Sitôt à bord tout rentrerait dans l'ordre comme si de rien n'était, et Luis ressentait une certaine fierté, dont il préférait pour l'heure ne rien témoigner, à savoir qu'il était en grande partie la cause de cette harmonie qui régnait à présent dans la cabine du capitaine ; et tout en achevant de placarder la navale réclame, il défiait du regard les postes proposés en se promettant que le désordre n'entrerait pas sur ''son'' navire avec ces nouveaux arrivants .

A eux deux le stock fut vite fini et le capitaine se frotta les mains avec satisfaction, avant de montrer une figure dépitée à la vue de ses gants maculés . Aussitôt surgit de nulle part, à son grand soulagement, une nouvelle paire irréprochable ; avec Luis, ils n'avaient pas vraiment besoin de mots .

Soren sortait de la taverne ou plutôt s'en faisait sortir par le tavernier lui-même, il commençait à le connaître et même si Soren avait de quoi payer, le fait qu'il soit toujours l'instigateur de la plupart les bagarres n'arrangeait en rien les affaires du monsieur et il ne devait pas apprécier le fait que ses mains apprécient la croupe généreuse de sa fille. La soirée commençait plutôt mal, le lieutenant avait rechigner à rester sur le bateau sous prétexte que c'était son tour de descendre à terre, non mais qu'est ce qu'on peut entendre comme conneries des fois!! Bon il est vrai qu'il y avait peu de monde sur le navire en ce moment il était même un peu seul mais quand même et puis il fallait qu'il retrouve O'Brien à la capitainerie.

Le second du Crimson Orchis se mit donc en route vers les quartiers particuliers de la CIO, il n'était pas saoul mais vu qu'il avait quand même pas mal bu, les premiers pas furent un peu difficiles. Il bouscula un ou deux passants, puis enfila la veste de son uniforme tout en marchant en manquant de se prendre un poteau. Une fois fait, il marchait presque normalement et allait droit vers la capitainerie même s'il fut tenter une fois ou deux de passer voir une ou deux personnes qu'il connaissait plutôt bien mais bon il devait d'abord voir le capitaine.

Il arriva devant les quartiers particuliers de la CIO mais se rendit compte qu'il avait oublié où il devait rejoindre O'Brien. Soren se passa la main sur le visage tout de même un peu engourdi par le mauvais vin et le rhum, il alluma une cigarette en espérant bêtement que cela lui ramènerait la mémoire. Il entra dans le bâtiment et fit comme s'il savait où il se dirigeait ce qui évidemment était loin d'être le cas. Le second monta un étage et essayait désespérément de se repérer, finalement il préféra s'en remettre à sa chance habituelle et frappa à la première porte qui se présente à lui. Avec de la chance, il tombera sur le bon endroit et Luis ouvrira la porte. Soren s'appuyait contre le montant de la porte en attendant une réponse.

[ waaaiis on est DEUX ! he he t'as vu ça Khenti ma chiwie, bisque bisque *fait le pied de nez ]

''Eh bien, c'est parfait ! Et maintenant, on retourne à bord !'' conclut joyeusement le capitaine en enfilant ses gants avec une satisfaction sans mélange . Il était très bien dans sa petite bulle, lui, ç'avait déjà été assez difficile de se l'arranger ! Heureusement il avait bénéficié d'appuis efficaces ( les appuis en question consistant en un type éméché et coureur de jupons qui errait au même instant dans les couloirs de la capitainerie, mais bon on ne peut pas tout avoir ... ) et le fait qu'ils soient tout sauf gratuits ne faisait absolument aucune différence pour lui et sa grande bourgeoise de mère . L'important était qu'à bord, depuis qu'il était capitaine, il se sentait en sécurité, ce qui n'avait jamais trop été le cas ailleurs et ne l'était toujours pas dans ces rues où il risquait après tout d'être reconnu par un ancien compagnon de débauche occasionnel ; un officier de la marine britannique était bien placé pour savoir que le monde est particulièrement petit, surtout si on se limite aux ports de commerce .

''Pardon, Sir, mais on ne va pas au bateau,'' répliqua tranquillement Luis sans bouger tandis que le capitaine avait déjà fait trois pas rapides vers les mâts qu'on apercevait derrière quelques rangées de toits .
''Comment ça ?'' Yorick tourna vers lui de grands yeux étonnés et par réflexe croisa les mains dans le dos et releva le menton comme lorsqu'il interrogeait un homme d'équipage .

''Comme ça qu'on aurait dû croiser Monsieur Braun,'' sourit Luis avec un petit air indulgent des plus irrespectueux . Sur quoi il tourna les talons et repartit en direction du grand bâtiment sans attendre confirmation . Après tout, c'est lui qui tenait dans sa tête l'agenda de leur petite association, pour ne pas dire autre chose . Yorick poussa un profond soupir de lassitude désespérée . Il n'avait aucune envie de retourner là-bas et son second était bien assez débrouillard pour venir le retrouver à bord ... enfin ça c'est ce qu'il se disait pour se convaincre, au fond il savait que tout débrouillard qu'il fût, Soren avait besoin de la moitié de l'argent qu'il lui donnait spontanément pour sortir des divers cachots où le jetait sa débrouillardise toute particulière . Enfin, le capitaine ne pouvait quand même pas l'accompagner partout pour le surveiller ! Et surtout pas dans des débits de boissons que la morale réprouve et que hantent quantité d'aguicheuses de mauvaise vie, comme aurait dit sa sainte mère .
''J'arrive,'' marmonna-t-il en baissant la tête avant de courir pour rattrapper son serviteur . Ils auraient eu plus vite fait de demander aux gardes de l'entrée s'ils avaient vu entrer son second ... si seulement celui-ci était aussi connu aux quartiers de la CIO que dans les bouges et autres tavernes !

Soren n'avait pas attendu longtemps en lieu et place de Luis, il tomba avec un serviteur qu'il n'avait encore jamais vu, sa chance avait décidé d'aller faire un tour ce soir, ça devenait de plus en plus évident. Il jeta un "désolé" au bonhomme avant même qu'il ne lui pose une question ou peut être en posa-t-il une ou deux mais le second ne voyait pas trop l'intérêt de répondre, il s'éloigna en titubant un peu et en tirant sur sa cigarette. Soren commençait à en avoir assez de chercher et préféra revenir au rez-de-chaussée peut –être finirait il par croiser le petit esclave du capitaine dans le cas contraire il serait toujours temps de rendre visite à une ou deux personne.

Le second descendait les escaliers à pas lent en fumant le reste de sa cigarette, qu'il lâcha à terre avant de l'écraser du pied. Il s'arrêta un moment pour en rallumer une autre puis il reprit sa descente, les escaliers lui paraissaient horriblement plus longs que lorsqu'il les avait monté. Une fois dans le hall, Soren s'accorda un instant de repos et alla s'asseoir sur l'un des fauteuils qui s'y trouvait. Il prit ses aises, croisa les jambes et commanda même un verre de rhum qu'il commença à siroter tranquillement. Il jetait un regard vague sur l'entrée du bâtiment et regardait les allers et venues des passants.

Soren jetait quelques soupires las de temps à autre, il faut dire qu'il n'y avait pas grand-chose à faire dans cette partie de la ville, le jeune homme décida finalement qu'il terminerait son verre et qu'il finirait sa nuit comme il l'avait prévu. Il aurait bien le temps de parler au capitaine demain, certains besoins sont plus urgents que d'autres et ce n'était pas O'Brien qui lui dirait le contraire. Il avala le reste de son verre d'un seul trait, il eut une légère grimace quand le liquide passa dans sa gorge puis se leva aussitôt, allumant une énième cigarette au passage puis il se dirigea vers la sortie avec sa nonchalance imbibée habituelle. Alors qu'il s'apprêtait à mettre le pied dehors il tomba nez à nez avec le petit esclave, le sort s'acharnait, derrière lui comme toujours il y avait O'Brien qui arrivait, il ne pourrait pas échapper à la discussion et pouvait dire adieu à sa soirée en bonne compagnie.

" Capitaine!"

Le second fit un semblant de salut militaire puis se remit à fumer sa cigarette.

" C'est le lieutenant qui va être content! Il vient de gagner sa sortie à terre visiblement!"

''Monsieur Braun ...'' Un regard des pieds à la tête, une petite moue désapprobatrice : ''Vous avez bu, Braun .''

Combien de fois faudrait-il lui dire que la boisson est la ruine du corps et de l'âme ? Il allait mal finir ce garçon . Le capitaine hocha la tête avec mécontentement avant d'aller arracher la cigarette à cet anachronique chronique de Braun avec un petit regard du style : ''toi, t'as quand même de la chance d'être mignon .''

Le regard le Luis allait de l'un à l'autre et témoignait d'une visible envie d'attrapper ces deux sales gamins d'officiers et de les traîner à leur prochaine réunion d'état-major . Enfin ils avaient la soirée devant eux quand même mais il ne leur faisait pas confiance pour l'employer convenablement .

''Vous mériteriez quelque chose comme une petite amende pour cet état d'ébriété qui ne fait pas honneur à l'uniforme que vous portez, Monsieur Braun .''

Visiblement Yorick était dans une phase ''réglements'', peut-être était-ce d'avoir rencontré ses supérieurs et d'imaginer, dans un soudain vertige, cette loque évadée de cabaret entrant dans une salle de réunion et se présentant comme le second du Crimson . Luis ferma les yeux et s'adossa flegmatiquement au mur ; on en avait pour un moment de controverse avant que quelqu'un se décide à les bousculer pour passer le pas de la porte ; en tout cas ils ne tomberaient jamais d'accord ...

Quant à l'amende en question, il était probable qu'il s'agisse d'une réticence plus marquée que d'habitude la prochaine fois que le second réclamerait son argent de poche, si on pouvait appeler ainsi les doublons soutirés au nom d'une vieille dette de silence périmée depuis un certain moment, mais qui était passée au rang des petites habitudes .

Soren se pencha vers O'Brien pour lui souffler un "à peine!" imprégner de vapeur d'alcool de canne, il se voit se faire arracher la cigarette de la bouche et suit du regard le long mégot voler vers l'extérieur et s'écraser un peu plus loin. Le second soupire lourdement, décidément il aurait mieux fait de rester au lit aujourd'hui, ça allait être encore une de ces soirées qui n'en finit pas. Qu'est ce que O'Brien allait encore trouver à lui dire?

" Une amende? Ne pensez vous pas qu'il en faudrait un peu plus? Soyons francs vous m'avez déjà vu dans des états bien plus… pitoyable, il faut l'avouez."

Soren donna une tape sur l'épaule du capitaine avant de sortir de la capitainerie pour se rallumer une nouvelle cigarette, en attendant que son supérieur veuille bien se joindre à lui pour retourner au bateau. Le petit esclave se décolla du mur et se mit lui aussi à attendre un mouvement de la part du capitaine. Le second fondit son regard dans le paysage qu'il avait devant lui avant d'ajouter:

" Et puis mon état ne risque pas de s'aggraver pour ce soir."

Soren tourna la tête vers O'Brien, un sourire aux lèvres en pensant que la nuit s'annonçait longue et pas très joyeuse, il fallait vraiment que le capitaine arrête de descendre à terre. Cela le rendait d'une humeur exécrable, Soren eut un nouveau soupir puis tira sur sa cigarette.

O'Brien se redressa brusquement sous le geste familier et parfaitement anti-réglementaire qui menaçait de le faire tomber, si si, à terre il tombait pour beaucoup moins que ça . Mais il fallait bien avouer que son second n'avait pas tort : si pour ça il lui collait une amende, il y a certaines incartades qui en bonne logique lui auraient mérité la corde depuis longtemps .

Enfin c'était pas au point comme raisonnement et il secoua la tête et le raisonnement avec comme un chien qui sort de l'eau, campant sur ses positions comme s'il avait vraiment décidé d'être aussi insupportable qu'on l'était avec lui .

''Depuis quand êtes-vous à terre exactement ?'' martela-t-il d'un air soupçonneux même s'il avait largement dépassé le stade des soupçons . ''Je suppose qu'il a quand même fallu un peu plus d'un verre partagé au passage avec une connaissance croisée par hasard pour atteindre cet état ... sans doute pas grave à votre échelle mais néanmoins intéressant .''

Il se prit, sans surprise, les gros yeux de la part de Luis qui ne trouvait pas ça intelligent . C'était rare de toute façon qu'il le trouve intelligent . Au fond Yorick ne savait pas ce que Luis pouvait bien lui trouver en-dehors du fait qu'il lui appartenait d'un point de vue légal bien sûr ; il se posait de plus en plus souvent la question parce que depuis qu'ils relâchaient à terre il était vraiment facile pour l'esclave de s'évader .

" Environ quatre heures… je crois! Pour être franc je n'ai pas vu le temps passer et je ne suis plus très sur. Toujours est il qu'il semblait que ce soit déjà trop pour le tavernier."

Soren fumait tranquillement et se remit dans la contemplation du paysage exotique qui s'offrait à lui, le second trouvait amusant que le petit esclave prenne d'une certaine façon sa défense et encore plus drôle le fait que son capitaine soit d'humeur changeante lorsqu'il n'avait plus d'eau sous les pieds. Peut être y aurait il un moyen de profiter de cela… un peu plus qu'il ne le faisait déjà.

Si cela n'avait été de la solde qui dépasser largement celle d'un amiral grâce aux généreuse donation de son supérieur, sinon il aurait peut être songé à se reconvertir dans la piraterie mais il doutait à présent que cela paye mieux que le chantage. Bien que O'Brien n'y était plus vraiment soumis mais il s'inquiétait toujours de sa réputation ce qui était toujours un poids, protéger une bonne réputation est bien plus dure que de la faire monter. Soren, lui, en avait une mauvaise mais elle ne pouvait descendre plus bas enfin cela serait difficile, il se conduisait déjà comme le pire des pirates seul son uniforme faisait la différence.

Il continuait à tirer sur sa cigarette et alla s'adosser à la rambarde en face de l'entrée de la capitainerie, le second commençait à se demander si son capitaine ne finissait pas à avoir un certain goût pour le plancher des vaches. O'Brien ne semblait pas décider à bouger de là sans une explication pour son état d'ébriété quasi perpétuel lorsqu'il mettait pied à terre. Il entreprit à le jauger de haut en bas comme s'il s'était s'agit d'une quelconque courtisane, le second croisa un moment le regard perplexe de Luis à qui il fit un haussement de sourcil complice. Il détourna la tête à nouveau et se remit à tirer sur sa cigarette.

" Vous comptez passer la nuit ici ou on rentre au navire?"

Oui, bon, sans surprise, il avait passé la soirée à picoler joyeusement et à semer les ardoises . Yorick se voyait déjà écrire à sa chère maman qui serait sans doute très contente d'apprendre qu'il avait enfin trouvé une fiancée digne de ce nom, personne très comme il faut; enceinte de ses oeuvres par un malheureux concours de circonstances et qui voulait l'épouser sur-le-champ ... puis très peinée d'apprendre quelques longs mois plus tard ( le courrier s'est perdu entretemps dommage ! Quel sale temps tout de même ) que la jeune personne est morte des fièvres ...

Bon, elle n'aurait pas marché aussi souvent que son fils réclamait des fonds ; mais il variait assez subtilement pour un ingénu et de plus fût un temps sa survie avait quasiment été en jeu, donc là il avait élaboré deux trois techniques carrément brillantes .

''Vous êtes véritablement un impertinent de la pire espèce, Braun !'' marmonna Yorick en commençant à trouver à la fois le face à face et la position réglementaire assez pénibles . ''Je compte passer la nuit à bord avec votre permission . Pourrons-nous emprunter les rues de cette ville sans nous heurter à chaque pas à l'une de vos connaissances que je devrai payer pour une consommation non réglée ou quelques dents cassées ?''

Pour mémoire, l' ''impertinent de la pire espèce'', c'est ce que ça donnait quand Yorick se résolvait à un peu de violence verbale pour le bien de son interlocuteur naturellement, il y a pas plus chrétien que lui . Et ça s'accompagnait généralement de ''confisqué'' et ''au lit sans dessert'' ...

''Je vais vous prier de remettre à Luis votre stock de matériel à fumer après quoi nous nous mettrons en chemin pour vérifier cela .''

https://yebewarned.1fr1.net/Domaine-de-la-CIO-c2/Le-port-f9/Place-de-debarquement-du-Joli-Rouge-t47.htm

Avec l'assurance de ceux qui ont l'habitude, Khenti intima à Mary de ne pas la lâcher d'une semelle si elle ne voulait pas être prise par la foule et se perdre. En outre, deux femmes un soir de beuverie devant une taverne pouvaient représenter trop de tentation pour les désespérés qui se trouvaient à l'intérieur.

Aussi avaient-elles quitté les quais rapidement pour se diriger vers les beaux quartiers calmes, là où se trouvaient les quartiers particuliers de la Compagnie. Khenti dit :

"On doit y trouver un certain O'Brien, n'hésite pas à choper les soldats par le col pour leur demander le renseignement, sinon on va tourner en rond pendant trois heures."

D'ailleurs, près de la capitainerie, Khenti mit tout de suite ce qu'elle disait à éxécution. Un esclave attendait que son maître - un jeune homme blond - finisse de passer un savon à son second qui semblait aussi plein qu'une barrique de rhum pas encore ouverte.

"Tu sais où on pourrait trouver O'Brien ?"

Soren alluma une nouvelle cigarette avant de tendre son étui et son briquet à Luis, il ne releva pas la remarque de son capitaine et préféra se mettre en route. Bien entendu il comptait passer par des rues qu'il fréquentait beaucoup moins voir jamais, il se décolla de la barrière en espérant entraîner dans son sillage O'Brien. A peine se tourna-t-il vers les rues bondées de monde qu'il aperçu de charmante créature qui s'approchèrent du petit esclave.

Il les suivit du regard et les détailla au possible comme s'il s'agissait de vulgaires courtisanes pour ne pas dire prostitués de l'un de ces bouges qu'il fréquentait. La tenue laissée entendre qu'elles pirataient joyeusement mais que bien entendu elles étaient à la solde de la CIO. Aucun pirate ne serait assez fou pour venir ici sans espérer se retrouver pendu haut et court.

" Vous l'avez juste à coté de vous charmante demoiselle!"

Le second se rapprocha de son capitaine et des deux femmes en tirant sur sa cigarette, en laissant courir son regard sur le corps de celle qui n'avait pas parlé. Soren était loin d'avoir la galanterie des anglais et encore moins celui d'un officier de la marine. Cependant il se garda d'essayé un quelconque geste déplacé à son encontre en présence d'un officier supérieur qui plus est devant les quartiers particulier de la CIO.

Sans conteste, les deux créatures étaient des femmes . Yorick en s'arrangeant pour rester à bord le plus souvent possible s'arrangeait en même temps pour ne pas en croiser, le réglement à ce sujet étant strict et doublement strict à son bord à lui . Et quand il croisait par un malheureux hasard une conquête de Braun introduite à bord clandestinement ? Eh bien c'est tout simple : il fermait chastement les yeux . Ce n'était au fond que lui rendre la pareille pour les affaires, certes pas semblables mais néanmoins comparables, le concernant .

Par contre à terre elles ont tendance à vous aborder, puisqu'au fond il semblerait qu'elles considèrent avoir autant le droit que vous d'être là . Or en bon capitaine de la CIO il avait l'abordage en horreur . Tandis que Luis trahissait ses origines païennes en esquissant vers les deux représentantes du beau sexe le 'namasté' indien, et que Soren Braun, égal à lui-même, reproduisait sur elles le regard négligemment lubrique que le capitaine lui-même avait essuyé peu avant avec résignation, ledit capitaine recula instinctivement d'un pas, tout raide comme à la parade subitement . On aurait pu croire un de ces coqs de village qui font montre à chaque jupon qui passe de leur belle tenue et de leur maintien martial ... tandis que sa voix tremblait comme celle d'un puceau échappé d'un collège de jésuites . Comme les apparences sont trompeuses ... Il ne cessait de réajuster en parlant sa casquette d'uniforme et en réalité se cachait derrière sa main .

''Monsieur Braun,'' lança-t-il un peu comme un appel de détresse ( enfin il voulait bien que son second s'interpose mais pas qu'il parte au bras d'une des filles dépenser les deniers de la couronne en coupables activités, en le laissant lâchement en pâture à l'autre qui plus est ! ), ''ne prenez pas la parole en présence de votre capitaine si elle ne vous est adressée .''

Et pour l'amour du ciel qu'il cesse de fumer cette chose ...

''Madame, à votre service . Que puis-je pour vous être agréable ?''

Et là, on voyait presque flotter dans les nuées ardentes du soir le spectre de madame O'Brien mère, tel l'archange exterminateur, brandissant son épée de cristal environnée de flammes ... c'est-à-dire, tellement O'Brien était naturel quand il parlait courtoisement aux filles .

Khenti jeta un regard sombre à celui qui venait de l'interpeller. O'Brien, juste à côté d'elles ? Charmantes demoiselles ? Khenti le considéra un instant et pensa vaguement qu'il était charmant, mais elle n'était pas là pour ça. Mary et elle avaient une mission à remplir. D'ailleurs, après que le sous officier ait déshabillé Mary du regard, celle-ci lui lança une oeillade noire et amère.

En voilà une qui ne se laissera pas facilement avoir, songea Khenti avec un sourire, fière du caractère de sa seconde.

L'officier blond devait être O'Brien. Il était très propre sur lui et Khenti imaginait mal ces deux là sur un même navire. Si le premier était constamment entouré d'un nuage de fumée de cigarette roulée, le regard brillant de lubricité, O'Brien était la propreté-sur-soi même ainsi que la politesse incarnée. Khenti ricanna intérieurement d'un duo si peu assorti mais ne douta point de leur efficacité. En outre, ils étaient ses supérieurs, elle leur devait le respect.

Mary se présenta, présenta Khenti de manière indirecte, puis cette dernière prit la parole :

"Capitaine Khenti Narish, ravie de vous rencontrer... On a retrouvé la trace d'Astarloa et de l'Aïcha à l'île du Cancer. C'est un pirate, on va lui faire sa fête, tant mieux, mais y a pas qu'ça... Astarloa a un second qui se nomme Alucard Truchot, le fils du capitaine Truchot, un membre de la compagnie. Le fils Truchot est un déserteur, rien que ça. Alors je me demandais un truc..."

Khenti eut un sourire de requin. Elle était certes fidèle à la Compagnie, mais être Corsaire, c'était aussi être pirate et ne manquer aucune occasion de s'enrichir plus ou moins légalement :

"...elle est à combien, la récompense pour la capture du fils Truchot, déjà ?"

La capitaine du Joli Rouge croisa ses bras autour de sa poitrine et attendit qu'on lui propose une somme, prête à faire monter la mise.

Les corsaires tressaillirent légèrement en entendant une voix leur répondre sur un ton glacé:

"Elle est à 10 000 livres, à la seule condition qu'il soit ramené vivant, et si possible pas trop amoché, à son cher père. Mais il est fort probable que si vous ne déguerpissez pas incessamment sous peu, elle se réduira à la possibilité de ne pas payer l'amende que vous méritez pour tapage nocturne".

Les cinq marins scrutèrent les alentours pour trouver d'où venait la voix, mais sans résultat, du moins jusqu'à ce que l'un d'eux ne finisse par lever le nez et croiser le regard courroucé du receveur de la Compagnie, qui leur adressait la parole depuis une des fenêtres du bâtiment voisin. Malgré l'heure tardive, il avait l'air très réveillé, et surtout fort énervé d'être ainsi dérangé.

"Vous n'avez pas de meilleur endroit pour vous fixer des rendez-vous galants que devant les bureaux de la CIO? Et dites moi, O'Brien... Qu'est-ce que c'est que ça?" demanda-t-il en jetant un regard méprisant à l'autre officier. "Je sais bien qu'une grande partie de votre équipage a péri dans la dernière bataille, mais ce n'est pas une raison pour faire boire vos officiers jusqu'à ce qu'ils oublient. Vous devriez savoir que le métier de corsaire implique des risques, tant pour soi-même que pour ses compagnons d'équipage. Si vous devez à chaque fois pleurer tous vos morts avec une telle débauche d'alcool et de... mais dites-donc, ce n'est pas du tabac, ça?"

Soren reconnu à qui appartenait la voix avant même d'apercevoir le bonhomme, bien entendu il essayait de passer inaperçu mais avec ce qu'il avait bu cela s'avérait impossible. Il avait déjà eu affaire au receveur de la compagnie et ce dernier ne le portait pas spécialement dans son cœur; bon c'était un peu le cas pour la plupart de ses supérieurs et peut être même pour O'Brien, quoique lui il pourrait encore le prendre par les sentiments. Mais nous nous éloignons du sujet, Soren n'avait nullement envie de passer sa nuit dans un cachot juste parce que ce bureaucrate était mal luné.

Soren laissa tomber sa cigarette et l'écrasa du pied et ne prit même pas la peine de répondre à ce vieux grincheux. Il ne levait pas trop la tête comme s'il espérait qu'il ne l'ait pas encore reconnu, il se tourna vers O'Brien et lui jeta un regard qui le prévenait qu'il valait mieux ne pas trop s'attarder sous les fenêtre de leur supérieur

Mary Swan . Est-ce qu'il n'avait pas failli être marié à une Mary Swan ? Oh, le nom était répandu, ainsi que le prénom . Et il avait failli être marié tellement souvent ... généralement sans rencontrer la personne et sans doute sans qu'elle soit au courant puisqu'après tout il ne s'agissait que d'une jeune fille à marier sur laquelle il avait jeté son dévolu par mère interposée . Il s'en désintéressa donc puisque ce genre de menace était à présent écartée de toute façon ; gardons notre sang-froid, je suis un officier qui s'adresse à un autre officier, nous partageons les mêmes points de vue et ... ah tiens non, zut . C'était quoi cette harpie vénale et qui remâchait son anglais comme le dernier matelot aux fers dans le ventre de son navire ? ( C'était presque fascinant tiens . Mais impossible hélas d'ignorer ces deux superbes attributs trônant au beau milieu du champ de vision du pauvre O'Brien qui s'obstinait à garder les yeux baissés . )

Enfin elle était sans doute pauvre . Oui, c'est probablement ça . Elle en avait vu de rudes, ça suffisait à excuser sa rapacité assez inconvenante envers l'argent ainsi que ses manières d'une certaine rudesse . Heureusement qu'elle a son second, songea-t-il avec une certaine mauvaise humeur dans le regard qu'il jeta à son impénitent de second, justement, tout en écoutant parler la femme . Puis il dut bien convenir en son for intérieur que pouvoir le fusiller des yeux était un réconfort entre deux contemplations de minois aux longs cils et de poitrines bombées . Distrait, Yorick ? Il aurait bien voulu, mais pas tant que ça et une sorte de secousse le replaça dans une posture réglementaire qui s'était quelque peu relâchée depuis qu'on causait tranquillement : des reproches ? On lui faisait des reproches, à lui ? ( Et oui le rendez-vous galant c'était compté dans les reproches ^^ ) Il chercha d'un regard de détresse d'où pouvait être tombé le couperet et avisa une physionomie à la croisée du bâtiment, qu'à tout hasard il salua en portant la main à son couvre-chef . Il était tout prêt à se soumettre aux critiques avec la mortification qui s'impose quand le personnage commit la grosse erreur ...

''Dieu m'est témoin que je ne fais boire personne et que ma façon de pleurer mes morts ne regarde que moi et Lui !'' se défendit-il en serrant les poings comme un petit garçon rebelle . ''Quant à cette aile du bâtiment, en tant que capitaine et en se référant à son nom je suis certes plus habilité que vous à la fréquenter ! Navré que les fenêtres de vos bureaux donnent sur le vrai monde quelquefois, mais nettement moins navré d'en faire partie ! Serviteur, monsieur ! Luis, on rentre à la maison !''

Il tapa du pied et se mit en marche vers le port d'un air décidé, sans attendre de réponse . Luis haussa les épaules, reprit son paquetage, et se tourna vers ces dames afin de leur signifier que l'entretien prenait fin et que si elles avaient d'autres points à traiter, elles étaient les bienvenues dans la cabine du capitaine . Quant à Braun, depuis certain incident récent que personne d'autre qu'eux deux n'avait remarqué sans doute, il affectait de l'ignorer purement et simplement ; mais sans doute qu'il n'allait pas s'attarder davantage ... il était bizarre, mais pas stupide .

Khenti fut peut être la seule à manifester un peu de joie à l'entente de cette voix. 10 000 livres anglaises, ce n'était pas rien ! La corsaire tenta de faire la conversion en doublons mais perdit le compte. Peu importe. C'était une somme importante.

Alors qu'O'Brien terminait de répondre au trésorier de la Compagnie avec un ton railleur à peine dissimulé sous un voile de naïveté, elle se retourna et fit mine de ne pas l'avoir entendu plus tôt :

"Anne-Pierre ! Quel plaisir de vous entendre, vous et votre voix si charmante. Vous savez, j'adore quand vous comptez à voix haute l'argent que vous donnez au Joli Rouge quand je rapporte le butin. C'en est presque orgasmique ! Vous entendre dire que ce crapaud de fils Truchot vaut 10 000 livres serait presque tout aussi jouissif s'il ne s'agissait pas d'Alucard !"

Elle lui adressa un grand sourire et ajouta :

"Et moi, si j'étais pirate, je vaudrais combien ?... (un silence) Bon, vous me direz ça la prochaine fois, je dois parler au capitaine O'Brien. Bonne nuit surtout, et faites de beaux rêves..."

Elle lui adressa un clin d'oeil mutin, sachant pertinemment que cela l'agacerait, puis se retourna vers l'officier O'Brien qui n'en finissait plus de froncer les sourcils dès qu'il adressait un regard à elle ou à Mary. D'ailleurs, cette dernière semblait avoir perdu pied à l'entente de la voix de Saint-Caast mais s'était vite reprise. Se pourrait-il qu'ils se connaissent, ces deux là ? Après tout, Mary était la fille d'un gouverneur, ce n'était pas impossible...

O'Brien avait signifié la fin de l'entretien mais Khenti ne voulait pas s'arrêter là. En deux pas, elle couvrit la distance qu'il avait parcouru en cinq petits pas serrés et lui barra le chemin. Derrière lui, son second allumait une nouvelle cigarette. La fumée bleue s'éleva en volutes gracieux au dessus de lui.

"Je vais parler à voix basse pour ne pas énerver plus notre ami commun qui veille du haut de ses appartements, dans sa robe de chambre de flanelle et... brrr, je n'ose pas imaginer. Bref : j'ai une proposition à vous faire. Rien de grivois, je vous rassure. C'est à propos d'Astarloa et d'Alucard, encore. Je pourrais les traquer seule mais ce serait lui laisser une chance de s'échapper. Je dois avouer qu'Astarloa est à la hauteur de sa réputation, et je pense que deux navires valent toujours mieux qu'un."

Soren se retourna vers O'brien qui se trouvait à nouveau coincé avec le capitaine corsaire et espérait pouvoir récupérer son étui à cigarette assez rapidement, bien évidemment pour cela il fallait qu'il puisse terminer sa conversation avec O'Brien. Mais pour la terminer il faudrait déjà là commencer et ça avait l'air mal parti, Soren se mit à fouiller dans ses poches. Le second connaissait son capitaine et avait l'habitude d'avoir un étui de secours, le tout était de savoir si l'étui en question n'était pas celui qu'il venait de donner à Luis. Il revenait vers le petit groupe d'un pas mal assuré, tout en continuant à fouiller ses poches et en écoutant d'une oreille ce qui se disait.

Soren n'était jamais contre une petite chasse au pirate mais il était évident qu'il ne pourrait pas partir dans l'immédiat. Leur équipage s'élevait à, à peine quelques personnes tout au plus aujourd'hui et certainement pas suffisamment pour larguer les amarres et réussir à maintenir un bateau à flot très longtemps. Et ils avaient encore moins de personnel qualifié pour se battre, le carnage de la dernière fois leurs avaient fait subir de grosses pertes, et puis franchement dix mille livres à partager avec un corsaire ça faisait pas gros.

Le second se pencha vers le capitaine corsaire et chuchota tout comme elle.

" Et bien j'espère pour vous que vous n'êtes pas pressée de partir, parce que nous n'avons pas d'équipage pour le moment et par conséquent nous sommes bloqués à quai."

Son haleine imbibé de rhum aurait pu saouler un régiment entier pourtant il arrivait à tenir debout et à tenir des propos cohérents par on ne sait quel miracle.

La question ne se posait pas vraiment . Ils allaient capturer ce pirate, le premier à se manifester de façon tangible depuis la bataille qui avait dévasté leur pont comme un champ de ruine, et ramener à Saint-Caast sa pâture pieds et poings liés pour en user selon son bon vouloir, quant à la prime la femme capitaine pouvait la garder en ce qui le concernait ; ce serait à Braun de négocier pour sa part, O'Brien ne comptait pas s'en mêler . Il coupa en conséquence la parole à son second .

''L'équipage du capitaine Narish peut sans doute nous fournir l'aide nécessaire . Le principal est que nous faisions ce que l'on attend de nous .''

Il eut un petit pincement au coeur en réalisant combien il était encore réactif à toute cette histoire, alors qu'il avait cru s'en être remis ; mais le vrai souci, c'était Luis qui louchait vers le second de Narish avec cette façon trouble qu'il avait de s'intéresser à tout ce qui a possédé des esclaves . La jeune fille était la seule à donner cette impression dans toute la petite troupe et c'était si flagrant que Yorick lui-même y était sensible, lui qui il faut bien le dire s'en souciait comme d'une guigne ... après tout c'était une femme !

''Luis, cours devant et préviens que l'on précipite un peu les réparations .''

L'esclave lui lança un regard ambigu et le capitaine crut nécessaire de se faire pardonner en lui prouvant sa confiance : ''Et porte également ce paquet dans ma cabine, c'est la paye des hommes, tu peux déjà leur annoncer s'ils manifestent de la mauvaise humeur .''

Luis acquiesça en regardant à travers lui dans la direction de miss Swan . Puis il tourna vivement les talons et disparut dans la foule . Yorick le suivit un instant des yeux, l'air un peu perdu, avant de se tourner vers ses interlocuteurs valables comme on dit afin de poursuivre leur petite mise au point .

Khenti eut un sourire satisfait quand le capitaine O'Brien compléta la réponse de son second, réponse qui s'avérait positive. Elle espérait secrètement que l'homme fasse monter la mise afin que le partage leur rapport plus à chacun. La corsaire se leva du milieu de son chemin et le salua d'un signe de tête. Mary demanda quand les navires seraient prêts, elle lui répondit :

"Le Joli Rouge est déjà prêt, nos matelots et nos charpentiers peuvent prêter main forte à ceux du Crimson Orchis si le capitaine O'Brien le veut bien."

Khenti ajouta ensuite : "Pour ce qui est de la prime offerte, 5000 livres par équipage, ce n'est pas mal, certes... mais je suis certaine que vous pouvez faire monter la mise en jouant de vos galons auprès de notre gentil trésorier, j'ai nommé AnnePierre de Saint Caast... n'est-ce pas, que vous le pouvez ?"

Ce à quoi Khenti ajouta un sourire carnassier, assorti de deux yeux pleins d'espoir et presque innocent. La dualité qui se lisait sur son visage était étonnante et convainquante, elle l'espérait.

La conversation ennuyait profondément le second du Crimson Orchis, il fut tenté l'espace d'un instant de suivre le petit esclave et s'éloigner à toutes jambes de cet endroit. Les deux jeunes femmes étaient agréables à regarder mais c'était là la seule chose qu'il pourrait se permettre avec elle et puis cinq mille livres à se partager avec tout l'équipage, franchement. Autant dire qu'il ne resterait plus rien à la fin, il faudrait que O'Brien fasse monter les prix d'une sacrée dose. Il s'éloigna à nouveau en fouillant dans ses poches. Décidément, il fallait que ce soit ce soir qu'il oublie son autre étui à cigarette.

Soren n'en pouvait plus de cette soirée, elle semblait tourné au cauchemar, pas de femme, pas d'homme intéressant ou intéressé, plus d'alcool et pas de cigarette pour soulager tout ça. Si ça continuait comme ça il allait être d'une humeur massacrante, il tournait déjà sur la place comme un lion dans une cage.

A présent la seule chose qu'il souhaitait c'était rentrée à bord, terminer une conversation qui n'avait d'ailleurs pas commencé et ensuite se couler dans son lit jusqu'au lendemain. Celui-ci ne révèlerait pas très joyeux lui non plus, aucun souvenir intéressant à se rappeler et un mal de crâne insoutenable qui l'entraînera vers le médecin bord dont il préférait se tenir éloigner, non pas qu'elle fut désagréable mais il avait une sainte horreur des médecins.

Elles savaient ce qu'elles voulaient, les filles ; ça tombe bien, lui aussi . Quelques belles prises de bec en perspective, eh bien il n'était pas contre, c'était même plutôt amusant ; tandis que Braun dirigerait les manoeuvres, comme il se doit .

''En ce qui me concerne, c'est un accord scellé . Il nous manque encore quelques postes importants à compléter mais avec les affiches que je ... que Luis vient de poser en ville je ne doute pas que ce sera chose faite sans tarder . Vous serez priée de nous attendre pour entreprendre la course-poursuite sous mes ordres, que vous prendrez par signaux tous les jours et avant d'entreprendre quoi que ce soit . Il est hors de question qu'il nous échappe . Ensuite, il sera toujours temps de voir .''

Ce qui signifiait : qu'on me donne une bonne raison et il est certain que je pourrai faire monter les prix, mais pour l'heure je n'en vois aucune et je m'en désintéresse cordialement . Ponctué du sourire qui étira au même instant les lèvres du capitaine cela signifiait en outre : pour une fois que quelque chose dépend entièrement de moi, permettez-moi d'attendre que la bonne raison vaille vraiment le coup .

Bizarrement, il avait comme l'impression que Narish rechignerait à se lancer en mer sans savoir exactement à combien se monterait la récompense . Pour couper court à toute négociation supplémentaire ( après tout il avait quelque chose d'autrement important à demander à Braun et il était en train de l'oublier avec toutes ces histoires ) il salua profondément ces dames et doubla le pas avec toute la hâte d'un marin qui a senti l'odeur de la mer . ''Je vous remercie grandement pour votre information et j'attends de vos nouvelles avec impatience . Monsieur Braun ?'' L'idée c'était surtout qu'il salue également mais il allait peut-être simplement comprendre qu'on se mettait en route ; bah, faut pas trop en demander au Bon Dieu .