De la bagarre à la taverne ? (archi libre !)

Il n'y avait qu'une taverne sur l'île du Cancer, et elle était fréquentée par des gens de tous horizons et de toutes origines. C'était d'ailleurs pour cela qu'elle était reconnue pour ses bagarres générales à la suite de beuveries - ou pas. Tout commençait généralement par une rixe verbale, tout le monde encourageait les protagonistes et, au bout d'un moment, chacun y mettait du sien : coup de poing, coup de pied, coup de table ou de tabouret, tout y allait.

Le tavernier se cachait alors derrière son comptoir et faisait ensuite la liste des objets cassés. Comme c'était le carrefour où se rencontraient les pires forbans, les corsaires, et même les membres de la CIO parfois et que chacun profitait de cet endroit, chacun apportait aussi du sien au tavernier, pas seulement à la bagarre.

L'établissement se fournissait en meubles et autres objets auprès des marins qui n'avaient rien à faire de dix tables ou chaises en bois de chêne, prise d'un navire marchand. Où les mettre sur le navire ? Ils les vendaient donc à très bas prix au tavernier qui était heureux car, sur ces même chaises qu'il avait achetés, l'équipage du navire buvait pour un prix largement supérieur à celui de la vente effectuée, chacun profitant de sa bourse pleine pour dépenser avec encore moins d'égard l'argent gagné à la sueur de leur front.

La taverne se situait près de l'eau, mais n'avait jamais été innondée. L'endroit n'était pas propoce aux tempêtes. La dernière avait eu lieu dix ans auparavant, et ce n'était pas la pluie qui allait faire grimper les vagues jusqu'à la porte de l'établissement.



L'intérieur était en fait une cave gigantesque aménagée (celle du tavernier, riche à n'en plus pouvoir, quelque peu magnat et vendeur d'informations sur les bords et au milieu...), et les réserves d'alcool et de nourriture se trouvaient dans un endroit que seuls lui et ses employés - membres de sa famille, peu de risques de trahison, donc - connaissaient. La cuisine, personne n'y avait accès, et personne ne s'y serait risqué : faire offense au tenancier aurait été trop mal vu. En effet, dans leurs coeurs d'enfoirés, les marins réservaient une place spéciale au tavernier qui le leur rendait bien - en autorisant les bagarres et en les abreuvant d'autant d'informations que de boisson, par exemple...

Au comptoir se trouvait Khenti qui, les yeux dans le goulot avec sa bouteille de rhum, se trouvait pensive et abandonnée ce soir. Elle ne savait pas trop bien si elle avait envie de compagnie galante ou de bagarre... probablement que la tête, l'humeur et l'identité d'une hypothétique rencontre appuierait en faveur de l'une ou l'autre des possibilités.

L'Aïcha venaient d'accoster à l'extrémité de l'unique port de l'île, et comme il ne s'agissait pas de prendre du retard, Karim avait décrété que l'escale ne durerait pas plus de cinq heures, le temps pour les matelots de rafistoler un peu la voilure, quelque peu endommagée par le dernier ouragan. Astarloa avait laissé les plein pouvoir au quartier maître, et était descendu à terre avec son second, Alucard Truchot, bien décidé à aller l'initier aux joies du rhum.

"Maître Alucard, je t'emmène chez le dieu Bacchus, et je te fais confiance pour bien te tenir, c'est à dire boire comme un trou et taper tant que tu voudras."

Depuis la veille, il ne rêvait que de bagarre ! Rien d'étonnant, cela faisait plus de trois mois qu'il n'avait lancé aucun abordage, et le capitaine de l'Aïcha s'ennuyait mortellement.

Il arrivèrent en vue de la petite taverne, et Astarloa poussa son second pour que lui même pousse la porte.

"Une vraie taverne de pirates, mon gars ! Le paradis !"

Ils entrèrent et allèrent se placer près du comptoir, dans une position stratégique pour commander les bouteilles. Astarloa fit signe à l'aubergiste, et lui cria le plus galamment du monde de leur aporter deux verres et quatre ou cinq flacons de tafia. En, repartant vers sa cave, le tavernier croisa une buveuse solitaire accoudée au comptoir, portant bottes et foulards, et levant le coude comme un homme. Astarloa sourit, et parla bien fort, tout en n'ayant l'air que de ne s'adresser qu'à son second.

"Cette drôlesse là bas, a presque un aussi joli cul que le tien, Alucard !"

Pour son plus grand malheur, Alucard s'était vu obligé de descendre à terre avec le capitaine. Il détestait ça! Ca lui donnait le tournis. Mais ne pouvant pas désobéir, il l'avait donc suivit dans ce qui semblait être une taverne où il avait dut entrer en premier. Pitié, qu'il le laisse remonter sur le bateau!
Ne tenant pas à se faire remarquer dans un lieu où son père devait être connu, ainsi que lui, même si ce devait surtout être de nom (Alucard, ça n'est pas courant), il laissa à Karim le soin de crier à l'aubergiste ce qu'il voulait. Mais quand il lui dit, presque aussi fort, qu'une jeune femme avait presque un aussi joli cul que le sien, le tout ponctué par son prénom, il s'empourpra brusquement.

"Non mais ça va pas la tête?! Dites-le encore plus fort, ya quelqu'un à l'autre bout de l'île qui ne vous a pas entendu! Et puis pourquoi vous m'avez emmené ici, d'abord? J'veux retourner sur le bateau!"

Oh, pitié, il avait déjà vu cette fille quelque part. Ce ne serait pas une corsaire? Il lui semblait l'avoir croisée au milieu de membres de la Compagnie des Indes. Enfin, il espérait se tromper! Parce que si elle le reconnaissait, et qu'il l'avait effectivement déjà vue, il était mal barré. Il n'avait pas envie qu'on lui donne la chasse dès le premier jour!

"Cette drôlesse là bas, a presque un aussi joli cul que le tien, Alucard !"

C'était décidé, Khenti avait besoin de bagarre. Au ton employé, ce n'était pas un compliment pour elle, plutôt une invitation à lui lancer une réplique cinglante, et plus si non-affinités. Un frisson de colère naissant sur sa nuque descendit jusque dans le bas de son dos, et sembla se propager à son bras droit et tous ses doigts. Saigneur, qu'elle avait envie de le saigner !!

Lentement, d'une voix basse et sans même se retourner, comme si la phrase ne l'atteignait pas plus que ça, elle répondit :

"Tant mieux s'il n'est pas suffisamment à ton goût, parce que tu n'en auras même pas un aperçu, vieux pervers dégoûtant ! Tu pues le mépris et la suffisance jusqu'à mon tabouret. Même l'odeur du rhum n'est pas aussi forte."

Cependant, au fond de son esprit s'était allumé une petite chandelle : Alucard. Elle avait déjà entendu ce nom, à qui appartenait-il ? La corsaire chercha au fond d'elle même mais ne trouva pas. Peut-être que le visage du concerné lui parlerait plus que son nom. Si l'autre tordu répliquait, elle serait obligée de se tourner vers lui pour réparer verbalement l'affront, et pourrait ainsi vérifier la justesse de son impression.

Karim sourit aux exigences de son second.

"Un bon pirate doit s'habituer à tout ! Nous ne resterons pas longtemps, juste le temps que je t'apprenne à boire tout en frappant."

Il se redressa un peu sur sa chaise, et observa la réaction de la flibustière qu'il avait si joliment apostrophé. Pas qu'il la méprisât, mais l'odeur de l'alcool couplé au désoeuvrement le rendaient méchant, et celle là avait tout l'air d'une femme à qui l'on ne tenait pas tête facilement. Elle au moins, saurait se défendre contre ses attaques, et il préférait les combats à la loyale, aussi bien verbalement que sur le terrain.

"Mais c'est qu'elle cause bien, la madame !" S'exclama-t-il avec un grand sourire lorsqu'elle répliqua en grondant, toujours le dos tourné. "Beau cul et belle langue ! Pour sûr, je pue, mais toi tu empestes, ma vieille ! Lie de vin et rouge à lèvres, tu roules des hanches au moins autant que je me pavane !"

Il avait croisé les jambes, et brisé le cou de la bouteille qu'on venait de lui apporter, ponstuant sa tirade d'une rasade, avant de tendre la bouteille à Alucard.

En entendant la jeune femme s'adresser à eux, Alucard se mordit la lèvre inférieure. Il ne fallait pas qu'elle le voie! Mais connaissant son capitaine, elle ne tarderait pas à approcher ou, au moins, à se tourner vers eux pour répliquer.
Comme il s'y attendait, Karim répliqua vertement, lui tendant une bouteille. Avec un petit soupir malheureux, il but à son tour, sentant l'alcool lui monter à la tête. Il le tenait encore moins bien qu'en mer.

"Je ne veux pas rester ici, je veux retourner sur le bateau, il ne faut pas qu'on me voie. Je suis un traître, moi. Je risques encore plus que vous. Surtout connaissant mon père."

Alucard avait soufflé cela à l'oreille de son capitaine, ne tenant pas à être entendu de quelqu'un d'autre. Surtout pas de la demoiselle. Il en était sûr, il l'avait déjà vue. Il était incapable de se souvenir de son nom, mais c'était une corsaire que son père appréciait particulièrement.

"Pitié, capitaine, faites pas le con! Elle me connaît, elle m'a souvent vu avec mon père..."

"Mais c'est qu'elle cause bien, la madame ! Beau cul et belle langue ! Pour sûr, je pue, mais toi tu empestes, ma vieille ! Lie de vin et rouge à lèvres, tu roules des hanches au moins autant que je me pavane !"

Khenti leva les yeux au ciel puis, toujours le coude appuyé sur le comptoir et sa joue posée contre sa main, elle daigna se tourner vers lui. Elle s'attendait à avoir affaire à un homme laid et frustré mais ce fut la surprise inverse. Il était très beau, métisse, probablement d'origines diverses et souriait d'un air à la fois fier et goguenard. Il semblait très sûr de lui, presque trop, et Khenti se demandait ce qu'il cherchait. S'agissait-il d'une technique de séduction avant gardiste ou d'un rustre se cachant sous les traits gracieux d'un gentilhomme ?

Les plus cons sont toujours les plus beaux, songea-t-elle avec un frémissement au niveau de la comissure de ses lèvres. Ce léger sourire n'était adressé qu'à elle-même.

Derrière l'homme au feutre noir se trouvait un garçon fluet, aux traits si féminins que Khenti avait d'abord cru observer une jeune fille. Il avait les cheveux très blancs, un corps élégant et un visage... Satan me tripote !!! pensa-t-elle avec stupeur. Le fils de Truchot ! Le traître !

Alors là, ça changeait la donne : devait-elle séduire le maître et son disciple, prendre son pied et les attacher au lit avant leur réveil au petit matin ? Ou y aller franchement et prendre son pied - à lui, l'imbécile - au sens littéral du terme et l'envoyer se faire foutre contre le mur pour ensuite s'occuper du jeune homme, Alucard Truchot, fils très recherché par son père, sur la tête duquel on avait mis une rançon plus qu'alléchante ?

La réflexion était ardue mais en une seconde elle avait pris sa décision. La corsaire espéra que le jeune homme ne l'avait pas reconnue - elle avait changé en quelques années - et décida de se présenter sous un faux nom. Lita, celui d'une ancienne conquête féminine, ça irait très bien.

Sans répondre au capitaine sans nom pour l'instant, elle saisit sa bouteille de rhum, arrosa généreusement son gosier et, d'une démarche assurée, se dirigea vers les deux hommes. Elle s'assit près d'eux et approcha son visage de celui du capitaine. Elle montra le coin de ses yeux et dit :

"Tu vois bien que je n'ai pas de rides. Je ne suis pas âgée ni sénile, pauvre paon que la vieillesse a rendu myope !"

Karim fronça imperceptiblement les sourcils à la demande d'Alucard. Si elle l'avait déjà vu avec son père, alors...

"Alucard, dit-il à voix basse, en guignant toujours la belle du coin de l'oeil, celle là ne fait pas partie de la Compagnie des Indes, j'en jurerais. Alors si ce que tu me dis est vrai, ça veut dire qu'elle est corsaire..."

Il serra les poings. Il n'aimait pas les corsaires, ces chiens des mers qui se prétendaient frères de la côte tout en s'avilissant au service d'un maître, d'un roi. D'aucun prenaient les pirates pour des marins deshonorés. Dans une certaine mesure, c'était vrai, même si tout était relatif. Mais du moins, les pirates étaient des êtres qui avaient choisi la liberté et leurs convictions. Les corsaires, eux, n'étaient que des laquais.

Il posa brièvement la main sur l'épaule de son second, comme pour le tranquiliser.

"Si elle t'a reconnu, elle ne vivra pas assez longtemps pour aller en parler à ton cochon de père." Lui souffla-t-il, avant de se composer une mine railleuse pour accueillir la belle egyptienne, qui se dirigeait vers leur table.

"Vieux et myope ? Ma foi, je prends le compliment pour ce qu'il est, même si tu as probablement déjà trop bu. Un verre ?"

Lui dit-il nonchalamment, en lui tendant la bouteille qu'Alucard venait de lui rendre. Il ne détaillait plus la belle. S'il avait été intéressé pendant un instant par ses beaux seins et son regard de guerrière, la révélation de sa condition de corsaire l'avait considérablement refroidi. Karim pouvait tout foutre, sauf ses principes.

"Vous en êtes sûr?"

Pas qu'Alucard ne fasses pas confiance à son capitaine mais, cette fois-ci mieux valait être prudent. Cette fille n'était pas n'importe qui. Une corsaire, en plus! Distraitement, il rendit sa bouteille à l'homme, défiant la jeune femme du regard.

"Comment vous appelez-vous? C'est curieux... Votre visage me dit quelque chose...."

Le jeune homme n'osait pas lui révéler de vive voix qu'elle était démasquée, mais le sous-entendu était très lourd, tout en restant incompréhensible pour quiconque aurait surpris la conversation. Inconsciemment, il s'était quelque peu rapproché de son capitaine, sans quitter la jeune femme du regard. Sa main était prête à dégainer son fleuret. Il n'aimait pas se battre contre les femmes, mais il le ferait s'il n'avait pas le choix.

Parce qu'avec les corsaires, femmes ou pas, on se battait. Et puis, il ne pouvait décemment pas laisser tomber son capitaine. On les attendait, à bord!

"Vieux et myope ? Ma foi, je prends le compliment pour ce qu'il est, même si tu as probablement déjà trop bu. Un verre ?"

Khenti secoua la tête de gauche à droite en montrant sa bouteille en guise de réponse. Elle allait aborder un sujet à la fois plus taquin et séduisant quand le jeune homme sur la gauche du marin la questionna. Il avait les lèvres tremblantes et l'air encore plus pâle que ce qu'il devait être, à cause de ses cheveux blancs.

"Comment vous appelez-vous? C'est curieux... Votre visage me dit quelque chose...."

Khenti fit la moue et lui envoya un baiser : "Lita, mon mignon. Mon nom est Lita... je ne pense pas qu'on se soit déjà vus, je me souviendrais de ton visage et de celui de ton capitaine."

Elle appuya ses dires par un petit sourire mutin et but une nouvelle gorgée au goulot de sa bouteille. Khenti supportait très bien l'alcool, et plus ils la croiraient saoule, plus elle aurait de chances de mener à bien son plan. Peu lui importait s'ils la prenaient pour une putain, elle voyait déjà miroiter l'or que lui rapporterait le jeune Alucard si elle réussissait son cou.

L'air de rien, elle se pencha en avant et serra le haut de ses bras contre son buste, faisant ostensiblement grossir sa poitrine. Elle devait sembler être une femme grossière, tant pis. Comme si cela était dû au hasard et à l'alcool, alors qu'elle se penchait en avant, elle dérapa sur le pied de son tabouret et se rattrapa sur la cuisse du beau capitaine.

Elle se remit droite, épousseta son haut comme pour se remettre en état de discuter et eut un faux sourire d'excuse, avec l'air de ceux qui ont trop abusé de l'ivresse que procurait l'alcool.

Autant Alucard avait posé la main sur la garde de son épée dans la prévision d'un combat à la loyale, autant Karim n'avait qu'une envie, c'était d'attraper la fameuse Lita par le cou et d'aller la balancer à la flotte. Non seulement ça la dessaoulerait, mais en plus ça lui ferait passer l'envie d'essayer sur eux ses talents de séductrice. Nul doute qu'elle était très belle, très désirable, mais alors dans le genre rentre-dedans, c'était un peu bien subtil !

Elle avait trébuché, et s'était rétablie en s'aggripant à ses chausses. Karim ne sourcilla pas, se contentant de la regarder avec son éternel sourire railleur.

"Vous voilà bien gauche, señorita. L'alcool vous faisait moins d'effet, lorsque vous me traitiez de vieux pervers et autres paoneries."

Il ramassa néanmoins sa bouteille et la lui tendit de nouveau, décroisant les jambes afin d'être prêt à bondir, et profitant de ce qu'il était à sa gauche alors qu'elle était à sa droite, il toucha légèrement la jambe d'Alucard, sous la table, pour l'inciter à se tenir sur ses gardes.

Il se méfiait de Lita, ivre ou pas.

Quand la jeune femme lui envoya un baiser après s'être faussement présentée, Alucard afficha une moue dégoûtée. Il avait horreur des femmes et de celle-là en particulier. Pourtant, il ne dit rien, se contentant d'assister à la scène. Mais quand elle fit semblant de tomber, il s'en fallut de peu pour qu'il ne dégaine et lui tranche la gorge sur-le-champ.
Sentant le capitaine lui toucher la jambe, le jeune homme comprit immédiatement. Mais il n'avait pas besoin de le prévenir, il était déjà attentif.

"Dites-moi, Lita... Vous êtes bien sûre que nous ne nous sommes jamais rencontrés? Vous me rappelez vraiment quelqu'un que je croisais régulièrement... Mais peut-être que le rhum m'est traître, allez savoir!"

Alucard essayait de la faire se trahir elle-même, et peu importait le sujet. Ou bien peut-être pourrait-il lui faire perdre patience pour qu'elle en vienne aux faits. Même si la tête lui tournait... Rah, ce qu'il détestait rester à terre!

Khenti ne répondit pas au capitaine : il avait bien compris qu'elle n'était pas saoule, pas même un peu, avant qu'il ne l'apostrophe. Ceci plus le fait que le jeune homme insistait sur le fait qu'elle lui était familière faisait qu'elle se rendait bien compte que sa petite comédie était inutile.

Le capitaine en face d'elle devait être un pirate car le jeune Alucard ne s'engagerait jamais sous les couleurs d'un corsaire ou d'un navire de la CIO. C'était sans compter le fait qu'ils devaient avoir tout deux devinés qu'elle était une corsaire. Une ennemie, donc.

Problème : comment atteindre le jeune et timide Alucard qui était pratiquement caché derrière son capitaine ? Si elle attaquait l'homme, Alucard s'enfuirait puisque c'était lui qu'elle recherchait, et le jeune homme devait s'en douter.

Il fallait qu'elle ait Alucard en premier. Elle grogna : à moins de l'assomer, c'était impossible de mener son plan à bien. Devait-elle abandonner ou changer de tactique ?

Elle opta pour la deuxième solution.

"Bon, je suis démasquée. Je l'avoue : je ne suis pas saoule ! Mais bon, avouez que c'est une bonne technique pour approcher les charmants capitaines et leurs jolis seconds, quand ladite technique marche... et je puis vous assurer, jeune homme, que je n'ai jamais croisé votre mignon regard, je m'en souviendrai, je vous l'ai déjà dit."

Khenti s'éloigna quelque peu du capitaine et se choisit un nouveau nom de navire. Elle ne pouvait pas dire qu'elle était capitaine du Joli Rouge, ce serait foutre en l'air sa fausse identité.

"Je suis pilote à bord du Dragon D'Or, le capitaine se nomme Nimaatrê Salmu. C'est mon cousin."

Ce n'était pas tout à fait faux : elle avait bien un cousin pirate qui se nommait ainsi et naviguait en tant que capitaine à bord du Dragon D'Or, célèbre en Méditéranée mais pas ici encore. Par contre, elle ne précisa pas qu'elle et lui étaient ennemis de longue date...

"Nous sommes venus de Méditéranée, ce fut un long voyage... j'avais juste envie de me détendre, désolée."

Elle eut un sourire sincère, mais aucun de ses deux interlocuteurs n'aurait pu deviner que c'étaient des dents de requin qu'elle leur dévoilait. En levant sa bouteille à leur santé, elle but une nouvelle fois au goulot et fit mine de s'éloigner.

Karim resta de marbre face aux compliments et au récit de la Lita, qui leur raconta avec un aplomb parfait qu'elle servait à bord d'un navire inconnu. Mentait-elle, ne mentait-elle pas, toujours est-il qu'elle avait su donner à sa voix l'accent, sinon de la sincérité, mais du moins de l'assurance. Karim jeta un coup d'oeil à son second. Lui devait bien savoir si elle leur disait ou non la vérité, mais comment l'interroger ?

"Mais détendez-vous, belle dame, comment vous en vouloir ? Moi même j'ai été très peu courtois avec vous, et vous prie de me pardonner. Ma seule excuse est d'être marin, ivrogne, et passablement obsédé."

Il avait prononcé ces mots en souriant, comme l'oiseau se moque du chat depuis le haut de sa branche. Mais tout en flattant en apparence, il réfléchissait à toute allure. Celle là était corsaire, et elle connaissait Alucard, même si elle prétendait le contraire. En rechanve, lui, elle ne le connaissait point... Ce n'était donc pas à lui qu'elle en voulait, mais bel et bien à Alucard. Et elle avait beau faire semblant de retourner à sa place, il savait bien qu'elle continuait de les surveiller. Que faire ? Se sauver et regagner leur navire, en la laissant libre d'aller divulguer leur point d'escale à ses maîtres ? Ou en finir tout de suite, comme il l'avait promis à son second ?

Il lui jeta un coup d'oeil, et articula silencieusement, profitant de ce que Lita ne les regardaient pas : "Démasque là !"

Avec un sourire mauvais, Alucard acquiesça à la demande de son capitaine. Le point faible de tout capitaine, il le connaissait. Il y avait l'honneur, et le bateau. Ah, avec un peu de chance, il avait trouvé le point faible de la jeune femme. Tout à coup, son véritable nom lui revint. Oh, mais c'était parfait! Il se leva et s'étira, comme s'il sortait d'un profond ennui, avant de s'adresser à son capitaine, lui souriant.

"Allez, venez! Moi, je veux m'en aller, je m'ennuie. En arrivant au port, j'ai vu le Joli Rouge. Il doit encore y être et j'ai bien envie de le faire flamber, lui et sa chiennasse de capitaine! Ca fera un peu de distraction et personne de regrettera cette harpie de Khenti. Elle ne sait pas tenir son équipage et puis, ça n'est qu'un hideux tas de graisse."

Sur ce coup-là, si elle ne se démasquait pas, Alucard savait qu'il leur faudrait trouver un autre point d'escale au plus vite. Car il ne faudrait pas bien longtemps avant que la Compagnie des Indes ne connaisse leur position.

Khenti allait répondre au capitaine métisse quand son second intervint à sa place. La bouche ouverte pour parler se transforma en un "O" de stupeur tandis qu'il parlait :

"Allez, venez! Moi, je veux m'en aller, je m'ennuie. En arrivant au port, j'ai vu le Joli Rouge. Il doit encore y être et j'ai bien envie de le faire flamber, lui et sa chiennasse de capitaine! Ca fera un peu de distraction et personne de regrettera cette harpie de Khenti. Elle ne sait pas tenir son équipage et puis, ça n'est qu'un hideux tas de graisse."

Hé bien, j'en connais un qui doit m'avoir démasqué. Jouons au jeu du franc mensonge, c'est moi la plus forte à ce jeu, petit ! pensa-t-elle en transformant son expression en large sourire puis un éclat de rire bruyant. Elle s'esclaffait tellement bien qu'elle rit même pour de bon, finalement. C'était risible. S'ils n'avalaient pas son prochain mensonge, elle ne chercherait pas à les convaincre du contraire et les suivrait jusqu'à leur navire, pour voir sur lequel ils embarquaient. Ensuite, toutes lumières éteintes, elle ferait appareiller le Joli Rouge et les suivrait sur la mer d'huile toute noire.

Elle riait toujours, et espérait, vu les mines à la fois interloquées et déconfites des deux lascarts, que son interprêtation était convainquante.

"Oh là là... (elle réussissait même à pleurer des larmes de crocodile hilare) C'est pas la première fois qu'on me prend pour Khenti Narish, ni pour le capitaine du navire, mais je vous assure que c'est bien la première fois qu'on l'insulte avec autant de... oh là là, vous jouez très mal la comédie, jeune homme, vous le saviez ça ?"

Elle repartit de plus belle mais calma son hoquet et essuya les larmes qui coulaient.

"Je lui ressemble beaucoup, certes, mais je n'ai que seize ans, même si je semble un peu plus âgée. Je suis une de ses bâtardes, et mon capitaine, celui du Dragon D'Or, étant un de ses ennemis, il s'est fait un plaisir de m'élever à sa manière quand sa propre cousine m'a abandonnée. Ma propre mère... alors oui, une chienasse pas possible, comme tu dis."

Puis elle prit un air songeur, riant de ses propres insultes qu'elles s'adressait, se sachant incapable de faire une chose pareille en réalité - que ce soit au niveau des bâtards ou de l'abandon. Elle n'était jamais tombée enceinte. C'était signifier sa mort auprès des pirates comme de la compagnie.

Karim aurait presque éclaté de rire à la suite de la jeune femme. Lita, fille de corsaire, seize ans, hein ? Bien jeune, pour être pilote de navire.

"Ma foi, mes compliments, señorita. Seize ans, déjà seconde et pleine d'expérience, comme la meilleure des putains. Vous avez une grâce et un esprit digne des belles intriguantes d'Espagne, mon pays natal. Et si notre jeune ami est très mauvais comédien, vous, vous mentez à merveille. A preuve, cela fait déjà dix minutes que vous nous tenez à distance avec vos bavardages, bien tournés en diable."

Karim se leva, à la suite de son second, mais contrairement à lui, s'approcha de Lita. Son assurance même était un mensonge. C'était bien une femme cela, une naïade, une diablesse aussi belle que mauvaise. Fessue et couillue ! Elle lui plaisait, tout statut de corsaire mis à part, ne serait-ce que par sa ligne de conduite invariée et déroutante.

"Mais ne dit-on pas : fille de chiennasse... chasse de race ?" Souffla-t-il, à quelques pas de la jeune femme, une main sur la garde de sa rapière, et l'autre prête à la saisir à la gorge.

"Ah? C'est vrai, maintenant que vous m'y faites penser, vous avez bel et bien un petit air de famille...."

Alucard ne le montrait pas, mais il était tracassé. Que faire? Ils étaient coincés! S'ils prenaient le large, elle les suivrait, mais s'ils restaient ici, leur position serait rapidement connue! Le mieux serait encore de la tuer, mais... Dans une taverne, ça n'était pas raisonable! Voyant son capitaine s'approcher de la jeune femme, il fit de même, quoique restant en arrière. Certes, il était à distance, mais il n'en restait pas moins prêt à dégainer. Pour une fois, il ne savait absolument pas quoi faire. Et dieu, ce qu'il détestait cela. D'habitude, il avait toujours un plan, une idée, ... Mais là, rien! Quel cauchemard! Heureusement que Karim était là. Il avait plus l'habitude que lui de ce genre de situations.

Destabilisé, le jeune Alucard allait et venait du regard entre elle et son capitaine. Il marmonna une phrase mais Khenti se concentra plus sur ce que disait l'autre, cherchant une réponse satisfaisante à lui faire. L'homme au chapeau se leva et s'approcha d'elle. Il l'insulta. Cette fois-ci, Khenti vit rouge, et ce n'était pas parce qu'il insultait Khenti Narish en tant que personnage méconnu mais elle-même et, en plus, celle qu'elle était vraiment !!

Malgré elle, elle se mordit la lèvre supérieure et le toisa de toute sa hauteur, même s'il était beaucoup plus grand qu'elle. L'homme avait la main sur la garde de son épée et était prêt à la dégaigner à tout instant. De son côté, Khenti tordit son poignet droit vers l'intérieur de son avant bras et vérifia que son petit poignard était bien là. Elle garda sa main dans cette position, prête à faire jaillir l'arme d'un tour de doigts, si nécessaire.

Se montrant peu impressionée même si elle frémissait d'inquiétude car elle était seule contre deux pirates soupçonneux, elle cracha :

"Il y en a marre que la réputation de Khenti Narish me précède toujours. Oui, j'ai seize ans, et oui, je suis pilote à bord du Dragon D'Or parce que j'ai passé le plus clair de mon temps en mer. Toute ma vie pour ainsi dire. Je suis née en mer et je n'ai jamais mis un pied sur terre plus longtemps que le temps d'une escale (ça, ce n'était pas un mensonge...). Alors tant pis si vous ne me croyez pas, mais je ne vous permets pas de m'insulter sans raison ni de me menacer. Menacer, oui, car n'est-ce pas sur la garde de votre rapière que vous tenez votre main ? Pauvre ivrogne..."

Combat ou dialogue, peu importait ce qui suivait, la face était sauve. Elle avait une fausse identité de plus à son compte...

"Cesser de vous insulter ! Chica mia, n'est-ce pas ce que vous faîtes vous même depuis tout à l'heure ? Vous vous êtes comportée avec moi comme la dernière des putains, tant physiquement que moralement, je n'ai donc fait que dire la vérité. Quant à moi, je suis effectivement un sale ivrogne, et ne démens pas... Hélas, je suis aussi quelqu'un qui a les corsaires en horreur."

Et sur ses mots, faisant de la main un signe à Alucard, il dégaîna sa rapière, et fit un mouvement pour menacer Lita à la gorge. Elle portait un sabre au côté, et il voulait la forcer à dégaîner, afin que la bagarre se tranforme en duel et non en assassinat.

"Lita Narish, ou qui que vous soyez, vous êtes sans doute aussi redoutable que belle... Montrez moi ce que vous valez, sans mensonge, car les lames ne mentent jamais !"

Il s'était mis en garde, le corps tendu, l'esprit en éveil. Il aimait se battre... encore plus pour la bonne cause : celle de son équipage. Cette fille devait mourir, c'était elle ou Alucard. Ce ne serait pas la première fois que Karim tuerait pour un de ses hommes.

Alors que l'homme dégainait, la salle s'était tue. Les regards s'étaient tournés vers eux sans discrétion, et l'on attendait le début du combat. Les yeux dans les yeux, elle dit au capitaine, d'une voix hachée et abandonnant tout sourire :

"En effet, je suis bien Khenti Narish, et si moi je puis m'insulter et mentir à mon propos pour survivre ou tenter ma chance au jeu de la vie, je ne permets pas qu'autrui le fasse à ma place. Et je ne sais pas pourquoi vous haissez les corsaires, mais sachez que, personnellement, j'ai une très bonne raison de détester les pirates sans foi, ni loi, et trop libres pour servir correctement le destin de ce monde."

Pendant qu'elle parlait, elle tenait le regard du capitaine vissé au sien. Ce dernier était plutôt proche d'elle, considérant le fait qu'ils étaient appuyés au même comptoir et en discussion animée depuis un moment.

D'un mouvement aussi rapide que soudain, elle glissa son poignard entre ses doigts et, sans le lancer, tendit son bras tout près de l'endroit qui tenait le plus à coeur à tout mâle en bonne santé de cette planète.

"Je tiens à ma gorge, mais je crois que vous tenez aussi à votre virilité. (Elle appuya ses dires par la lame contre l'entrejambe du capitaine. Voilà l'un des rares avantages de sa petitesse...) Alors faites deux pas en arrière, vous et votre second, moi aussi, et nous réglons ça loyalement, entre amoureux de la flibuste et enfoirés notoires. Si vous perdez, Alucard Truchot, fils du capitaine du même nom dans la Compagnie, se livrera sans résistance. Sinon, vous n'aurez qu'à marcher sur mon corps. Mais ça m'étonnerait."

Karim avait eu une légère grimace lorsque Lita-Khenti-sale-corsaire, au lieu de dégainer son sabre, avait sorti de ses chausses un petit poignard aigu, et l'avait pointé contre son entrejambes.

"Et c'est toi qui me parle de régler ça loyalement, alors que tu me menaces en dessous de la ceinture ? Corsaire, chienne au service du pouvoir, qui déshonore la flibuste, qui est la liberté même ! Tu n'aimes pas la mer, tu t'en sers ! Je suis un pirate libre, oui, et je n'aime pas les parasites de ton espèce ! Viens te battre, mais pour ta vie, mais pour celle de mon second !"

Il fit bien deux pas en arrière, mais ce fut pour faire reprendre à son bras une position de garde ordinaire, appuyant la pointe de sa lame sontre le sein droit de Khenti, juste à l'endroit du coeur.

"Allez, assez palabré, en garde, corsaire !"

(Hé, pssst, je sais que pour toi c'est le sein droit, mais le coeur est à gauche, pirate ignorant. )

"N'insulte pas les corsaires, vil pirate ! Ce n'est pas parce que tu n'as pas choisi cette vie que ce n'est pas une bonne manière de vivre. Moi aussi je suis libre, quoique tu en dises, parce que j'ai choisi d'être corsaire. J'ai choisi d'être à la fois libre et de servir ce monde, contrairement à toi qui n'agit que selon ton bon vouloir et pille les navires. Car oui, je suis une corsaire honnête, ça t'en bouche un coin, hein ?"

Le poignard qu'elle avait dans sa main droite ne lui servait à rien puisque l'homme s'était éloigné. Il avait la pointe de son épée sur son sein gauche, au niveau du coeur, et n'avait qu'à fenter pour la traverser en deux. Khenti, elle, en aurait profité. Oui, c'était un faux duel loyal qu'elle lui proposait. Et alors ?

Peut-être que lui avait peur d'assassiner un corsaire que beaucoup de monde dans la CIO regretterait, et qu'il craignait d'être poursuivi par la suite, car le tavernier ne manquerait pas de le signaler aux autorités ? En effet, si les bagarres étaient autorisées dans l'établissement, les meurtres ne l'étaient pas. Khenti eut un sourire quand elle pensa que le pirate pouvait avoir peur d'elle pour cette raison.

Lentement, elle fit glisser la lame de son poignard contre la rapière de son ennemi. Le fer contre le fer crissa et elle demanda, tandis qu'il la fixait : "Tu sais que tu combats Khenti Narish, capitaine du Joli Rouge, corsaire pour la Compagnie des Indes Orientales, jamais vaincue dans sa vie. Mais moi, contre qui vais-je croiser le fer ?"

A peine terminait-elle sa phrase qu'elle portait sa main gauche à sa hanche droite et dégainait l'un de ses deux sabres. Le mouvement de retour fit cogner sa propre lame contre la rapière qui se dégagea de son sein gauche. Le bout de la lame déchira légèrement le tissus mais ne la blessa pas.

Elle se recula de plusieurs pas puis, après avoir rangé son poignard, dégaina son autre sabre. Une arme dans chaque main, la pirate ambidextre lui sourit et fit une parodie de révérence à l'anglaise.

( ouais bon j'ai pas fait gaffe ^^;;; )

"Honnête, toi ? La belle honnêteté, qui choisit, qui ment, et qui joue les chiens de chasse ! Tu ne sers pas ce monde, tu contribues seulement à l'avilir un peu plus. Sais-tu combien de peuples la Compagnie opprime-t-elle ? Combien de richesses elle vole elle-même ? Tu graisses tes futures chaînes, rien d'autre, en agissant comme tu le fais ! Les pirates, au moins, ne se voilent pas la face !"

Il l'observa se reculer, un sourire venimeux et arrogant aux lèvres. Celle là était sûre d'elle, et probablement en train de spéculer sur ses chances de s'en tirer en leur jouant un mauvais tour. Karim resta de marbre, son éternel sourire railleur aux lèvres. Elle ne l'impressionait pas le moins du monde, avec ses groulements de chatte en chaleur et ses yeux de tigresse.

Elle se présenta de nouveau ( sans doute pour la première fois sous sa véritable identité ), et rapide comme un cobra, elle dégaina et choqua son fer contre le sien. Karim, qui s'attendait à ce coup de fourré, ne se laissa pas surprendre, et resta an garde, tandis qu'elle reculait et sortait son second sabre.

"C'est tout ou rien, avec toi !" Persiffla Karim, en souriant toujours, et en arrachant sa dague au buveur le plus proche. Une lame dans chaque main, il se courba, dans une garde de combat parfaite, sans répondre à la révérence de Khenti.

"Cela ne te regarde pas, mais il paraît que c'est plus sain de se battre avec quelqu'un dont on connaît l'identité... Karim Astarloa de la Saavedra, capitaine de l'Aïcha, pour te pourrir la vie, Narish. Et inutile d'aller clamer mon nom à tes supérieurs de la Compagnie, ils le connaissent depuis longtemps."

Tout en parlant, il avait fait un signe à Alucard, afin qu'il leur dégage le terrain et tienne les importuns à distance. Lui et Khenti étaient prêts, une lame dans chaque main. Karim sourit et, tout aussi rapide que son ennemie, attaqua en tierce, une garde d'épée haute et difficile à parer au sabre.

Pauvre imbécile, ce n'est pas de te vendre à la Compagnie qui m'intéresse, mais de leur dire sur quel navire se terre le fils Truchot, songea-t-elle avec sarcasme.

Karim Astarloa, elle ne connaissait que son nom. Il était plutôt célèbre, on le lui avait maintes fois décrit, mais elle ne n'avait pas un seul instant doutée qu'elle pouvait se trouver face à lui en cet instant. Il attaqua en tierce, et elle dut envelopper son sabre autour de sa rapière pour ne pas finir décapitée, ou pire. D'un mouvement circulaire de la pointe, elle rompit sa garde et, de la lame qu'elle tenait de la main gauche, elle balaya l'air d'un trait horizontal afin de l'intimider, et de le toucher s'il n'était pas attentif et la prenait pour une débutante.

Puis, alors qu'il reculait comme de bien entendu, elle fenta de nouveau en espérant être plus rapide que son pas de retraite. Sa lame eut un mouvement vertical et circulaire tandis que celle de son autre main était prête à parer le coup suivant.